Comme au poker ou presque, on lance une activité via une micro-entreprise pour voir si son idée, son projet a du potentiel. On vérifie également si on a « l’âme d’un entrepreneur ». Cette drôle d’expression au caractère presque « poétique » colle assez bien à la réalité. Après quelques mois ou plus, on a une vision assez claire. On commence à tirer les premiers enseignements. Le micro-entrepreneur sait alors si l’activité lancée a un vrai potentiel de développement. Il prend éventuellement conscience que la structure de la micro-entreprise n’est plus adaptée pour répondre aux nouvelles perspectives d’évolution ou au marché sur lequel on évolue.
Il faut alors dresser l’inventaire des raisons qui motivent le choix d’un changement : celui de rompre avec l’auto-entrepreneuriat.
Pourquoi rompre avec l’auto-entrepreneuriat ?
La contrainte du plafonnement du chiffre d’affaires
Le plafonnement du chiffre d’affaires constitue l’une des raisons récurrentes qui poussent les micro-entrepreneurs à changer de statut. En effet, le succès peut être au rendez-vous plus vite que prévu. On peut atteindre les plafonds de chiffre d’affaires plus vite que prévu. Dès lors qu’on les dépasse, on perd le bénéfice des avantages fiscaux liés au statut.
L’administration a pourtant réévalué ces seuils à la hausse en 2018 :
- 170 000 euros de chiffre d’affaires pour les activités commerciales et d’hébergement (sauf location de meublé)
- 70 000 euros de chiffre d’affaires pour les activités de prestation de services (y compris location de meublé), artisanales, libérales et non commerciales.
Le dépassement des seuils
Dès qu’on dépasse le seuil de chiffre d’affaires autorisé, la sentence est irrévocable : le micro-entrepreneur perd immédiatement l’un des avantages-clés de ce statut : l’ACCRE (Aide au Chômeur Créateur ou Repreneur d’Entreprise). Le micro-entrepreneur change alors de statut : il peut poursuivre son activité en tant qu’E.I. (Entreprise Individuelle).
C’est un argument de poids pour prendre une décision radicale : rompre avec l’auto-entrepreneuriat.
Il faut cependant préciser qu’on perd les avantages de l’ACCRE si et seulement si on a dépassé ce plafond de chiffre d’affaires pendant 2 années consécutives. Si on dépasse ce plafond sur une seule année, on ne sera pas pénalisé.
On doit donc de préférence anticiper ce dépassement pour éviter de se retrouver au pied du mur, avec la contrainte d’un basculement « automatique » en entreprise individuelle, qu’on n’a pas choisi et qui n’est peut-être pas adapté à son activité, ses objectifs…
L’engagement du patrimoine personnel
En cas de problèmes financiers, de dettes non recouvrées, on engage alors sa responsabilité personnelle dans le cadre du statut d’auto-entrepreneur, en donc, éventuellement, son patrimoine personnel, afin de rembourser les éventuels créanciers.
La question des frais professionnels
Cette contrainte de seuil maximal du chiffre d’affaires n’est pas le seul argument qui peut inciter un micro-entrepreneur à changer de statut. La question des frais engagés peut justifier le passage à une autre forme d’entreprise. En effet, on ne peut pas légalement déduire (des bénéfices réalisés) tous les frais engagés pour le lancement et le développement d’une micro-entreprise (qu’il s’agisse de matériel, de déplacement, de repas, de loyers…). On ne peut pas négliger ces frais, notamment lors de la phase de lancement.
L’entrée d’un associé
Faire entrer un partenaire pour augmenter le capital, partager les responsabilités, les savoir-faire, les portefeuilles clients et s’ouvrir de nouvelles perspectives… les bonnes raisons de s’associer ne manquent pas. Mais le statut d’auto-entrepreneur ne permet pas de faire entrer un ou plusieurs associés. Un tel projet d’association peut donc conduire le micro-entrepreneur à changer de statut pour s’associer avec un ou plusieurs partenaires. L’entrée d’un associé pour partager les compétences, les responsabilités constitue un bon argument pour prendre la décision de rompre avec l’auto-entrepreneuriat.
Après la micro-entreprise, quel statut choisir ?
L’un ou l’autre des motifs cités précédemment peut inciter le micro-entrepreneur à changer de statut ? Les solutions ne manquent pas, il faut les comparer et opter pour celle qui apparait la plus adaptée.
Un examen des différents statuts s’impose qu’il s’agisse d’une entreprise individuelle (EI, EIRL) ou d’une société (SA, SASU, SARL, EURL).
L’Entreprise individuelle (EI) ou l’Entreprise Individuelle à Responsabilité limitée (EIRL)
Lorsqu’on opte pour une EI ou une EIRL, on s’inscrit assez « naturellement » dans la continuité de l’auto-entrepreneuriat. C’est l’évolution logique. Mais cela ne signifie pas forcément qu’on a choisi la structure la plus adaptée. Chaque cas a ses particularités, en fonction du secteur, de la nature de l’activité et des attentes de l’entrepreneur.
En effet, le principal avantage de l’EI ou de l’EIRL réside dans le déplafonnement du chiffre d’affaires. Les formalités et les obligations comptables demeurent assez simples et proches de celles du statut auto-entrepreneur : il faut notamment tenir à jour un livre journal, un grand livre, un livre d’inventaire.
Ces deux statuts n’obligent pas à avoir un capital minimal lors de la création. Ainsi, l’associé, sur le plan juridique, reste unique. Il n’a pas la possibilité de faire entrer un autre associé. Seul maître à bord, rien ne l’oblige légalement à publier ses comptes.
Par ailleurs, l’EI et l’EIRL diffèrent sur le plan fiscal et social . Dans le cadre de l’EI, le chef d’entreprise est imposé sur ses revenus et également affilié au régime de sécurité sociale général. Le statut de l’EIRL offre la possibilité à l’entrepreneur de choisir entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. Mais, en ce qui concerne sa couverture sociale, son affiliation se fait auprès de la Sécurité sociale des indépendants.
L’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL) ou la Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU)
Si on est le seul associé de sa société et qu’on souhaite à plus ou moins long terme accueillir un ou des associés, alors il faut de préférence opter soit pour l’EURL ou pour la SASU.
L’EURL correspond à la forme unipersonnelle de la SARL. Le gérant est obligatoirement une personne physique. Il peut se verser un salaire : cette rémunération se rattache aux bénéfices sociaux, elle est soumise à l’impôt sur le revenu. La nomination d’un commissaire aux comptes s’avère obligatoire à partir d’une certaine envergure. L’EURL est soumise au régime fiscal des sociétés des personnes ou à l’impôt sur les sociétés, selon le choix de l’associé.
Même si l’EURL offre des perspectives d’évolution relativement limitées. C’est une structure plutôt flexible, particulièrement si l’on souhaite à plus ou moins long terme faire entrer des associés.
La SASU correspond à la version unipersonnelle de la SAS. Elle est obligatoirement soumise à l’impôt sur les sociétés. Son dirigeant ne bénéficie pas de l’assurance chômage. Il a droit à la couverture sociale des salariés. Côté responsabilité, elle se limite aux apports de l’actionnaire.
Pour le SASU comme pour l’EURL, le capital social se compose d’apports numéraires ou en nature, sans montant minimal.
Comment choisir entre la SASU, EIRL et l’EURL ?
La SASU offre une grande liberté. L’associé peut définir, comme il le souhaite, le fonctionnement et l’organisation de sa société. Ce statut convient particulièrement aux projets ambitieux, notamment pour les start-up. Il faut alors payer l’impôt sur les sociétés.
L’EIRL est un choix judicieux pour un entrepreneur indépendant. Il peut ainsi maîtriser les risques. L’un de ses principaux atouts est son statut protecteur car il permet de garantir la séparation entre patrimoine professionnel et personnel. Ce qui n’est pas le cas avec l’EI. Il offre la possibilité de faire évoluer l’auto-entreprise de petite ou moyenne dimension (avec un choix libre de l’imposition). Le statut d’EIRL est compatible avec le statut d’auto-entrepreneur (cumul possible).
L’EIRL est un statut souple, évolutif avec des formalités simplifiées.
Comment changer de statut ?
Pourquoi rompre avec l’auto-entrepreneuriat ? Une fois qu’on a trouvé toutes les bonnes raisons qui motivent ce changement, il ne reste plus qu’à préparer cette évolution ou cette rupture.
Lorsqu’on a choisi de changer de statut, qu’il s’agisse d’une EI, EIRL, EURL ou SASU, on doit déposer un dossier au Centre des Formalités des Entreprises.
La rédaction des statuts d’une société doit s’effectuer dans un cadre rigoureux. Pour constituer le dossier, l’entrepreneur doit réunir de nombreuses pièces. Il effectue impérativement une déclaration d’affectation de patrimoine.
En revanche, l’administration a simplifié les démarches pour mettre fin à son statut de micro-entreprise. Elles s’effectuent soit en ligne (www.cfe.urssaf.fr/saisiepl), soit par le biais d’un formulaire de cessation d’activité à envoyer au Centre de Formalité des Entreprises.
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